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Evangéliser la Vie

Humanae Vitae dans l'enseignement du Bienheureux Pape Paul VI

Publiée le 20-06-2017

 

1968

31 juillet 1968 - Audience Générale

     Responsabilité, charité, espérance les trois sentiments qui ont inspiré le Pape dans la préparation d'« Humanae vitae »

Chers Fils et Chères Filles,

Notre discours trouve aujourd'hui son thème obligé dans l'Encyclique « Humanae Vitae », sur la régulation des naissances, que Nous avons publiée cette semaine. Nous supposons que vous connaissez ce texte, ou du moins l'essentiel de son contenu.

Une présentation positive de la morale conjugale

Ce document pontifical n'est pas seulement la déclaration d'une loi morale négative — c'est-à-dire l'interdiction de tout acte se proposant de rendre impossible la procréation (n. 14) — mais il est surtout la présentation positive de la moralité conjugale, par rapport à sa mission d'amour et de fécondité « dans la vision intégrale de l'homme et de sa vocation naturelle et terrestre, mais aussi surnaturelle et éternelle » (n. 7).

Ce document est encore la clarification d'un chapitre fondamental de la vie personnelle, conjugale, familiale et sociale de l'homme; mais il n'est pas l'exposé complet de tout ce qui a trait à l'être humain dans le domaine du mariage, de la famille, de l'honnêteté des mœurs, domaine immense sur lequel le magistère de l'Eglise pourra et devra sans doute revenir, avec un dessein plus ample, organique et synthétique. Cette encyclique répond à des questions, à des doutes, à des tendances, au sujet desquelles — on le sait — la discussion a été assez large et vive, ces derniers temps, et à laquelle Nous Nous sommes fortement intéressé, de par Notre fonction pastorale et doctrinale. Nous ne vous parlerons pas maintenant de ce document, d'abord à cause de la délicatesse et de la gravité de son sujet, qui Nous semble dépasser la simplicité de ce discours hebdomadaire, ensuite parce qu'il ne manque et ne manquera pas de publications qui seront à la disposition de ceux qui s'intéressent au problème développé dans l'Encyclique (par exemple: G. Martelet, Amour conjugal et renouveau conciliaire).

Nous ne vous dirons que quelques paroles, non sur le document lui-même, mais sur les sentiments qui furent les Nôtres, durant cette longue période de sa préparation.

Sentiment de responsabilité pour dégager la vérité d'un problème complexe, difficile et grave

Notre premier sentiment fut celui de Notre grave responsabilité. Il Nous a fait entrer dans le vif du sujet et soutenu tout au long des quatre années nécessaires à l'étude et à l'élaboration de cette encyclique. Et Nous pouvons vous avouer que ce sentiment de Notre responsabilité ne Nous a pas fait peu souffrir spirituellement. Jamais comme en cette conjoncture, Nous n'avions senti le poids de Notre charge. Nous avons étudié, lu, discuté autant que Nous le pouvions, et Nous avons aussi beaucoup prié. Certaines circonstances relatives à ce problème vous sont connues: Nous devions répondre à l'Eglise, à l'humanité entière; Nous devions évaluer, avec l'engagement — et en même temps la liberté — de Notre devoir apostolique, une tradition non seulement séculaire, mais récente, celle de Nos trois prédécesseurs immédiats; Nous étions obligé de faire Nôtre l'enseignement du Concile que Nous avions, Nous-même, promulgué; Nous étions enclin à accueillir, jusqu'à la limite où il Nous semblait pouvoir aller, les conclusions — bien que de caractère consultatif — de la commission instituée par le Pape Jean XXIII et élargie par Nous-même, sans perdre de vue notre devoir de prudence; Nous connaissions les controverses suscitées par ce problème si important, avec tant de passion mais aussi avec tant d'autorité; Nous percevions les voix puissantes de l'opinion publique et de la presse; Nous écoutions les voix plus faibles, mais plus pénétrantes pour Notre cœur de père et de pasteur, de tant de personnes, de femmes respectables spécialement, angoissées par ce problème difficile et par leur expérience encore plus difficile; Nous lisions les rapports scientifiques sur les alarmantes questions démographiques du monde, étayées sur des études d'experts et des programmes gouvernementaux; Nous recevions de toute part des publications, dont quelques-unes inspirées par l'examen de certains aspects scientifiques du problème, d'autres par des considérations réalistes de situations sociologiques nombreuses et graves, ou encore par celles, si impérieuses aujourd'hui, des mutations qui envahissent tous les secteurs de la vie moderne.

Combien de fois n'avons-Nous pas eu l'impression d'être submergé par cette accumulation de documents, et combien de fois — humainement parlant — n'avons-Nous pas compris l'inaptitude de Notre pauvre personne, devant la formidable obligation apostolique de devoir se prononcer sur ce problème; combien de fois n'avons-nous pas tremblé en face de ce dilemme d'une condescendance facile aux opinions courantes, ou d'une sentence mal supportée par la société moderne, ou qui soit arbitrairement trop grave pour la vie conjugale.

Nous Nous sommes appuyé sur de nombreuses consultations particulières de personnes d'une haute valeur morale, scientifique et pastorale; et invoquant le Saint-Esprit, Nous avons mis Notre conscience en état de pleine et libre disponibilité à la voix de la vérité, cherchant à interpréter la règle divine que Nous voyons se dégager de l'exigence intrinsèque de l'authentique amour humain, des structures essentielles de l'institution du mariage, de la dignité personnelle des époux, de leur mission au service de la vie, comme de la sainteté du mariage chrétien; Nous avons réfléchi sur les éléments stables de la doctrine traditionnelle et actuelle de l'Eglise, ensuite spécialement sur les enseignements du Concile récent; Nous avons pesé les conséquences de l'une ou de l'autre décision, et Nous n'avons pas eu de doute sur Notre devoir de prononcer Notre sentence dans les termes exprimés par la présente encyclique.

Sentiment de charité devant l'aspect humain du problème

La charité est également un des sentiments qui Nous a toujours guidé dans Notre Travail, comme aussi la sensibilité pastorale envers ceux qui sont appelés à intégrer leurs personnalités dans la vie conjugale et la famille; et volontiers, Nous avons suivi une conception personnaliste, propre à la doctrine conciliaire sur la société conjugale, donnant ainsi à l'amour, qui l'engendre et la nourrit, la place qui lui revient dans l'évaluation subjective du mariage; Nous avons accueilli alors toutes les suggestions formulées dans le domaine de la licéité, pour rendre plus aisée l'observance de la règle réaffirmée. Nous avons voulu joindre à l'exposé doctrinal quelques indications pratiques de caractère pastoral. Nous avons honoré le rôle des hommes de science dans la poursuite des études sur les processus biologiques de la natalité et l'application correcte des remèdes thérapeutiques et des normes morales qui y sont liées. Nous avons reconnu aux conjoints leur responsabilité et donc leur liberté, comme ministres du dessein de Dieu sur la vie humaine, interprété par le magistère de l'Eglise, pour leur bien personnel et celui de leurs enfants. Nous avons rappelé l'intention supérieure qui inspire la doctrine et la pratique de l'Eglise: servir les hommes, défendre leur dignité, les comprendre et les soutenir dans leurs difficultés, les éduquer à une notion attentive de leur responsabilité, à une maîtrise de soi forte et tranquille, à une conception courageuse des grands devoirs communs de la vie et des sacrifices inhérents à la pratique de la vertu et à la construction d'un foyer fécond et heureux.

Espérance d'être entendu, écouté et compris

Et c'est finalement un sentiment d'espérance qui a accompagné la laborieuse rédaction de ce document: l'espérance qu'il soit bien accueilli, tant par sa force propre que par sa vérité humaine, et ce malgré la diversité d'opinions déjà largement répandues, et malgré la difficulté que la voie tracée peut présenter à celui qui la veut parcourir fidèlement, et aussi à celui qui doit simplement l'enseigner, avec l'aide du Dieu de la vie, s'entend; l'espérance aussi que les savants spécialement sauront découvrir dans le document lui-même le fil original qui le lie à la conception chrétienne de la vie, et qui Nous autorise à faire Nôtre la parole de l'Apôtre « nous avons, nous aussi, le sens du Christ » (1 Co 2, 16); l'espérance enfin que les époux chrétiens, eux-mêmes, comprendront comment Notre parole, même si elle semble sévère et difficile, veut être l'interprète de l'authenticité de leur amour, appelé à se transfigurer dans l'imitation de celui du Christ pour son Eglise, son épouse mystique. Nous espérons que les époux chrétiens seront les premiers à développer tout mouvement pratique chargé d'assister la famille dans ses nécessités, à la faire fleurir dans son intégrité, à diffuser dans la famille moderne sa spiritualité propre, source de perfection pour chacun de ses membres et de témoignage moral dans la société (cf. Ap. Ac. II; Gaudium et Spes48).

Comme vous le voyez, Fils très chers, le sujet de cette encyclique est une question particulière qui considère un aspect extrêmement délicat et grave de l'existence humaine. De même que Nous avons cherché à l'étudier et à l'exposer avec la vérité et la charité qu'il réclamait de Notre magistère et de Notre ministère, de même, que vous soyez directement concernés ou non, Nous vous demandons de vouloir le considérer avec le respect qu'il mérite dans le vaste et lumineux panorama de la vie chrétienne.

 

 

 

 

 

24 août 1968 à Bogota

      « Dans l’Encyclique Humanae Vitae, Nous avons dit une grave parole en défense de l’honnêteté de l’amour et de la dignité du mariage...

     Nous vous exhortons, frères, à bien comprendre l’importance de la délicate et difficile position qu’en hommage à la Loi de Dieu, Nous avons jugé de Notre devoir de réaffirmer... Et Dieu veuille que même la vive discussion suscitée par Notre Encyclique conduise à une meilleure connaissance de la volonté de Dieu.»

 

 

 

 

1969

 

25 juin 1969 - Audience Générale

L'authenticité doctrinale ne doit pas être altérée par le désir de simplification

Chers Fils et Filles,

Il Nous semble que notre devoir est encore de réfléchir sur le Concile au cours de ces brèves conversations que sont les audiences générales. Et maintenant Nous le faisons sans remonter à ses enseignements divers et spécifiques, mais en faisant quelques observations de caractère très général. Celle-ci, par exemple, que tous peuvent faire par eux-mêmes: le Concile a créé dans le peuple chrétien une mentalité, sa mentalité propre. Il est clair qu'à l'origine de cette mentalité on trouve une conviction très forte, un postulat, une idée fondamentale que les uns considèrent comme déjà acquise; d'autres, plus prudents, comme à acquérir. Et cette conviction est que le Concile demande un engagement chrétien plus sérieux, plus authentique, plus vrai. Un approfondissement dans la sincérité. Cette idée, avons-nous dit, est très juste. Nous pouvons et devons la faire nôtre, parce que c'est d'elle qu'est parti le Concile, de même que de cette aspiration à une interprétation parfaite de la vie chrétienne, aussi bien dans la pensée que dans l'action, surgit sans cesse l'action enseignante, sanctificatrice et pastorale, de l'Eglise. Mais, après le Concile, comment s'exprime cette nouvelle mentalité? Vers quoi va sa recherche d'un christianisme authentique, vivant et adapté à notre temps? Elle s'exprime de différentes manières. L'une d'elles est de croire désormais facile l'adhésion au christianisme, et donc de tendre à le rendre facile.

Simplifier et spiritualiser

Un christianisme facile: cela nous semble une des aspirations plus évidentes et plus répandues, après le Concile. Facilité: la parole est séduisante; elle est acceptable, dans un certain sens, mais elle peut être ambiguë. Elle peut constituer une très belle apologie de la vie chrétienne, si on la comprend bien; elle pourrait également être un déguisement, une conception de laisser-aller, un « minimisme » fatal. Il faut bien prendre garde.

Il est hors de doute que le message chrétien se présente dès le début, dans son essence, dans son intention salvatrice, dans les desseins miséricordieux qui le pénètre, comme facile, heureux, acceptable et supportable. C'est une des certitudes les plus fermes et les plus réconfortantes de notre religion. Oui, bien compris, le christianisme est facile. Il faut le penser, le présenter, le vivre comme tel. Jésus lui-même l'a dit: « Mon joug est doux, et mon fardeau léger » (Mt 11, 30). Il l'a répété, dans ses reproches aux Pharisiens, méticuleux et intransigeants: « Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens » (Mt 23, 4; cf. Mt 15, 2 et ss.). Et une des idées maîtresses de saint Paul ne fut-elle de libérer les nouveaux chrétiens de l'observance difficile, compliquée et désormais superflue, des prescriptions légales de l'ancienne alliance, avant le Christ?

Il faudrait quelque chose de semblable pour notre époque, qui est orientée vers des conceptions spirituelles simples et fondamentales, synthétiques et accessibles à tous: le Seigneur n'a-t-il pas condensé dans le suprême commandement de l'amour de Dieu et dans celui, qui le suit et en dérive, de l'amour du prochain, « toute la loi et les prophètes » (Mt 22, 40)? La spiritualité de l'homme moderne l'exige, celle des jeunes surtout; une exigence pratique d'apostolat et de pénétration missionnaire le réclame. Simplifier et spiritualiser, c'est-à-dire rendre facile l'adhésion au christianisme, telle est la mentalité qui semble jaillir du Concile: pas de juridisme, pas de dogmatisme, pas d'ascétisme, pas d'autoritarisme, dit-on avec beaucoup trop de désinvolture: il faut ouvrir les portes à un christianisme facile. On tend ainsi à émanciper la vie chrétienne de ce qu'on appelle les « structures »; on tend à donner aux vérités mystérieuses de la foi une possibilité d'expression dans le langage courant et compréhensible à la mentalité moderne, en les libérant des formulations scolastiques traditionnelles et sanctionnées par le magistère autorisé de l'Eglise; on tend à assimiler notre doctrine catholique à celle des autres conceptions religieuses; on tend à défaire les liens de la morale chrétienne, qualifiés vulgairement de « tabous » et de ses exigences pratiques de formation pédagogique et d'observance disciplinaire pour donner au chrétien — même s'il est un ministre des « mystères de Dieu » (1 Co 4, 1; 2 Co6, 4) ou appelé à la perfection évangélique (cf. Mt 1, 21; Lc14, 33) — une soi-disant intégration au mode de vie commun. On veut, Nous le répétons, un christianisme facile, dans la foi et dans les mœurs.

Ce qui est simple ne s'acquiert pas sans effort ni renoncement

Mais ne dépassons-nous pas les limites de l'authenticité à laquelle tous aspirent? Ce Jésus, qui nous a apporté la Bonne Nouvelle de la bonté, de la joie et de la paix, ne nous a-t-il pas exhorté à passer par « la porte étroite » (Mt 7, 13)? et n'a-t-il pas demandé la foi en sa parole, au-delà de la capacité de notre intelligence (cf. Jn6, 62-67)? N'a-t-il pas dit que « celui qui est fidèle en peu de choses, l'est également en beaucoup » (Lc 16, 10)? N'a-t-il pas fait consister l'œuvre de sa rédemption dans le mystère de la Croix, folie et scandale (1 Co 1, 23) pour ce monde, en ajoutant qu'il faut y participer pour être sauvé? Ici la leçon devient longue et difficile. Une question se pose: mais alors le christianisme n'est pas facile? Alors il n'est pas acceptable par les hommes de ce temps, il ne peut être offert au monde contemporain? Nous renonçons maintenant à résoudre valablement cette grave difficulté. Nous rappelons seulement que les choses faciles, si elles sont belles, parfaites, et rendues telles en surmontant des obstacles formidables, coûtent toujours cher. Nous pensons par exemple à cette loi qui préside à tous les efforts de la culture et du progrès, quand nous avons l'occasion de voyager en avion: voler, comme c'est facile! Mais combien d'études, de fatigues, de risques, de sacrifices, cela a coûté!

Pour une religion courageuse

Et puis, pour rester dans notre thème, demandons-nous si le christianisme est fait pour les tempéraments faibles et les personnes à la conscience trop large? Pour les hommes lâches, tièdes, conformistes, et peu soucieux des exigences austères du Règne de Dieu? Nous nous demandons aussi parfois s'il ne faut pas chercher parmi les causes de la diminution des vocations à la généreuse suite du Christ, sans réserves et sans retour, celle de la présentation superficielle d'un christianisme édulcoré, sans héroïsme et sans sacrifice, sans la Croix, privé donc de la grandeur morale d'un amour total. Et nous nous demandons encore si parmi les motifs des objections soulevées par l'encyclique « Humanae Vitae » il n'y a pas celle d'une pensée secrète: abolir une loi difficile pour rendre la vie plus facile (Mais si c'est une loi, qui a son fondement en Dieu, que faire?).

Nous répéterons: oui, le christianisme est facile; et il est sage, et c'est un devoir d'aplanir tous les chemins qui y conduisent, avec toutes les facilités possibles. Et c'est ce que l'Eglise, après le Concile, essaie de faire de toute manière, mais sans trahir la réalité du christianisme. Celui-ci est vraiment facile à certaines conditions: pour les humbles, qui recourent à l'aide de la grâce, par la prière, par les sacrements, par la confiance en Dieu « qui ne permettra pas — dit saint Paul — que vous soyez tentés au-delà de vos forces. Avec la tentation il vous donnera le moyen de la supporter » (1 Co 10, 13); pour les courageux, qui savent vouloir et aimer, aimer surtout. Disons avec saint Augustin: le joug du Christ est suave pour qui aime, dur pour qui n'aime pas, « amanti suave est; non amanti, durum est » (Serm. 30: PL 38, 192).

Fils très chers, tâchez de faire cette expérience heureuse: rendre la vie chrétienne facile par l'amour! Avec Notre Bénédiction Apostolique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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