Benoît XVI de A à Z

Dieu Père - Paternité de Dieu

(au 15 novembre 2017)

2005

 

 

24 avril 2005 – Homélie Messe Intronisation

     Ce n’est pas le pouvoir qui rachète, mais l’amour ! C’est là le signe de Dieu: Il est lui-même amour. Combien de fois désirerions-nous que Dieu se montre plus fort! Qu’il frappe durement, qu’il terrasse le mal et qu’il crée un monde meilleur! Toutes les idéologies du pouvoir se justifient ainsi, justifient la destruction de ce qui s’oppose au progrès et à la libération de l’humanité. Nous souffrons pour la patience de Dieu. Et nous avons néanmoins tous besoin de sa patience. Le Dieu qui est devenu agneau nous dit que le monde est sauvé par le Crucifié et non par ceux qui ont crucifié. Le monde est racheté par la patience de Dieu et détruit par l’impatience des hommes.

 

 

2006

 

11 février 2006 – Message pour la Journée Mondiale du Malade

    Je désire m'adresser à vous, chers frères et sœurs éprouvés par la maladie, afin de vous inviter à offrir avec le Christ votre condition de souffrance au Père, dans la certitude que chaque épreuve acceptée avec résignation est méritoire et attire la bienveillance divine sur toute l'humanité.

     Duc in altum ! Cette exhortation du Christ à Pierre et aux apôtres, je l'adresse aux communautés ecclésiales répandues dans le monde et, plus spécialement, à ceux qui sont au service des malades, afin qu'avec l'aide de Marie, Salus infirmorum, ils témoignent la bonté et la sollicitude paternelle de Dieu.

 

 

 

12 février 2006 – Angelus

     Le Christ est le vrai "médecin" de l'humanité, que le Père céleste a envoyé dans le monde pour guérir l'homme, marqué dans son corps et son esprit par le péché et ses conséquences

 

 

 

 

 

19 octobre 2006 – Discours au Congrès de l’Eglise Italienne, à Verona

     C'est précisément parce qu'il nous aime véritablement que Dieu respecte et sauve notre liberté. Au pouvoir du mal et du péché, il n'oppose pas un pouvoir plus grand mais - comme nous l'a dit notre bien-aimé Pape Jean-Paul II dans l'Encyclique Dives in Misericordia et, une dernière fois, dans son livre Mémoire et identité, son véritable testament spirituel - il préfère mettre la limite de sa patience et de sa miséricorde, cette limite qui est, concrètement, la souffrance du Fils de Dieu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2007

 

 

 

 

 

 

 

 

11 juin 2007 – Au Congrès du Diocèse de Rome

      Eduquer à la foi, à la "sequela Christi" et au témoignage signifie aider nos frères, ou mieux, nous aider réciproquement à entrer dans un rapport vivant avec le Christ et avec le Père. ..

      Tel est précisément le défi décisif pour l'avenir de la foi, de l'Eglise et du christianisme :  rapprocher du Christ et du Père la nouvelle génération qui vit dans un monde en grande partie éloigné de Dieu. …

      L'authentique éducateur chrétien est donc un témoin qui trouve son modèle en Jésus Christ, le témoin du Père qui ne disait rien de lui-même, mais qui parlait comme le Père le lui avait enseigné (cf. Jn 8, 28).

 

 

2009

 

11 février 2009 – A l’issue de la Messe pour les malades, Basilique Saint Pierre

     Les enfants malades, sont les créatures les plus faibles et sans défense. C'est vrai! Si l'on reste déjà sans paroles devant un adulte qui souffre, que dire lorsque le mal frappe un petit innocent? Comment percevoir, également dans des situations aussi difficiles, l'amour miséricordieux de Dieu, qui n'abandonne jamais ses enfants dans l'épreuve?

     Ce sont des interrogations fréquentes et parfois inquiétantes, qui en vérité sur le plan simplement humain ne trouvent pas de réponses adaptées, car la douleur, la maladie et la mort demeurent, dans leur signification, insondables pour notre esprit. La lumière de la foi nous vient cependant en aide. La Parole de Dieu nous révèle que ces maux aussi sont mystérieusement "embrassés" par le dessein divin de salut; la foi nous aide à considérer la vie humaine belle et digne d'être vécue en plénitude, même lorsqu'elle est affaiblie par le mal. Dieu a créé l'homme pour le bonheur et pour la vie, alors que la maladie et la mort sont entrées dans le monde comme conséquence du péché. Mais le Seigneur ne nous a pas abandonnés à nous-mêmes; Lui, le Père de la vie, est le médecin par excellence de l'homme et il ne cesse de se pencher avec amour sur l'humanité qui souffre.

 

20 février 2009 – Rencontre avec les séminaristes du diocèse de Rome à l’occasion de la fête de la Fiducia.    

     Voyons ce que nous dit saint Paul avec ce texte:  "Vous avez été appelés à la liberté". De tout temps, la liberté a été le grand rêve de l'humanité, dès le début, mais particulièrement à l'époque moderne. Nous savons que Luther s'est inspiré de ce texte de la Lettre aux Galates et il en a conclu que la Règle monastique, la hiérarchie et le magistère lui apparaissaient comme un lien d'esclavage dont il fallait se libérer. Par la suite, la période du Siècle des Lumières a été totalement guidée, pénétrée par ce désir de liberté, que l'on considérait avoir finalement atteint. Mais le marxisme s'est lui aussi présenté comme la voie vers la liberté.

     Nous nous demandons ce soir:  qu'est-ce que la liberté? Comment pouvons-nous être libres? Saint Paul nous aide à comprendre cette réalité compliquée qu'est la liberté en inscrivant ce concept dans un contexte de visions anthropologiques et théologiques fondamentales. Il dit:  "Que cette liberté ne se tourne pas en prétexte pour la chair; mais par la charité, mettez-vous au service les uns des autres". Le Recteur nous a déjà dit que "chair" n'est pas le corps, mais "chair" - dans le langage de saint Paul - est l'expression du moi rendu absolu, qui veut être tout et prendre tout pour soi. Le moi absolu, qui ne dépend de rien ni de personne, semble posséder réellement, en définitive, la liberté. Je suis libre si je ne dépends de personne, si je peux faire tout ce que je veux. Mais ce moi rendu absolu est précisément "chair", c'est-à-dire dégradation de l'homme; il n'est pas une conquête de la liberté:  le libertinisme, ce n'est pas la liberté, mais plutôt l'échec de la liberté.

     Mais Paul ose proposer un paradoxe fort:  "Par la charité, mettez-vous au service" (en grec:  douléuete); c'est-à-dire que la liberté se réalise paradoxalement à travers le service; nous devenons libres, si nous devenons serviteurs les uns des autres. Et ainsi, Paul place tout le problème de la liberté sous la lumière de la vérité de l'homme. Se réduire à la chair, en s'élevant en apparence au rang de divinité - "Moi seul suis l'homme" - conduit au mensonge. Car en réalité, il n'en est pas ainsi:  l'homme n'est pas un absolu, comme si le moi pouvait s'isoler et se comporter selon sa propre volonté. Cela est contre la vérité de notre être. Notre vérité est que nous sommes avant tout des créatures, des créatures de Dieu et que nous vivons dans la relation avec le Créateur. Nous sommes des êtres relationnels. Ce n'est qu'en acceptant notre nature relationnelle que nous entrons dans la vérité, sinon nous tombons dans le mensonge et en lui, à la fin, nous nous détruisons.

     Nous sommes des créatures et donc dépendantes du Créateur. Au cours de la période du siècle des Lumières, en particulier l'athéisme, cela apparaissait comme une dépendance dont il fallait se libérer. Toutefois, en réalité, la dépendance fatale ne serait telle que si ce Dieu Créateur était un tyran, et non un Etre bon, uniquement s'il était comme le sont les tyrans humains. Si, au contraire, ce Créateur nous aime et que notre dépendance signifie être dans l'espace de son amour, dans ce cas, la dépendance signifie précisément liberté. De cette façon, en effet, nous sommes dans la charité du Créateur, nous sommes unis à Lui, à toute sa réalité, à tout son pouvoir. Cela est donc le premier point:  être créature signifie être aimés du Créateur, être dans cette relation d'amour qu'Il nous donne, avec laquelle il nous entoure. C'est de là que dérive avant tout notre vérité, qui est, dans le même temps, appelée à la charité.

    C'est pourquoi voir Dieu, s'orienter vers Dieu, connaître Dieu, connaître la volonté de Dieu, s'inscrire dans la volonté, c'est-à-dire dans l'amour de Dieu signifie entrer toujours plus dans l'espace de la vérité. Et ce chemin de la connaissance de Dieu, de la relation d'amour avec Dieu est l'aventure extraordinaire de notre vie chrétienne:  parce que dans le Christ, nous connaissons le visage de Dieu, le visage de Dieu qui nous aime jusqu'à la Croix, jusqu'au don de lui-même.

     Mais la nature relationnelle des créatures implique également un deuxième type de relation:  nous sommes en relation avec Dieu, mais ensemble, comme famille humaine, nous sommes également en relation l'un avec l'autre. En d'autres termes, la liberté humaine signifie, d'une part, être dans la joie et dans le vaste espace de l'amour de Dieu, mais elle implique également être un avec l'autre et pour l'autre. Il n'existe pas de liberté contre l'autre. Si je me rends absolu, je deviens l'ennemi de l'autre, nous ne pouvons plus coexister et toute la vie se fait cruauté, devient un échec. Seule une liberté partagée est une liberté humaine; c'est en étant ensemble que nous pouvons entrer dans la symphonie de la liberté.

     Et cela est un autre point d'une grande importance:  ce n'est qu'en acceptant l'autre, en acceptant également la limitation apparente de ma liberté qui découle du respect pour celle de l'autre, ce n'est qu'en m'inscrivant dans ce réseau de dépendance qui fait de nous, en fin de compte, une unique famille, que je me mets en chemin vers la libération commune.

     Ici apparaît un élément très important:  quelle est la mesure du partage de la liberté? Nous voyons que l'homme a besoin d'ordre, de droit, afin que puisse ainsi se réaliser sa liberté, qui est une liberté vécue en commun. Et comment pouvons-nous trouver cet ordre juste, dans lequel personne n'est opprimé, mais chacun peut apporter sa contribution pour former cette sorte de concert des libertés? S'il n'existe pas de vérité commune sur l'homme telle qu'elle apparaît dans la vision de Dieu, seul demeure le positivisme et l'on a l'impression de quelque chose d'imposé même de manière violente. D'où cette rébellion contre l'ordre et le droit comme s'il s'agissait d'un esclavage.

     Mais si nous pouvons trouver l'ordre du Créateur dans notre nature, l'ordre de la vérité qui donne à chacun sa place, l'ordre et le droit peuvent être précisément des instruments de liberté contre l'esclavage de l'égoïsme. Se servir les uns les autres devient un instrument de la liberté et sur ce point, nous pourrions parler de toute une philosophie de la politique selon la Doctrine sociale de l'Eglise, qui nous aide à trouver cet ordre commun qui donne à chacun sa place dans la vie commune de l'humanité. La première réalité à respecter est donc la vérité:  la liberté contre la vérité n'est pas la liberté. Se servir l'un l'autre crée l'espace commun de la liberté.

Puis Paul poursuit en disant:  "Une seule formule contient toute la Loi en sa plénitude:  "tu aimeras ton prochain comme toi-même"". Derrière cette affirmation apparaît le mystère du Dieu incarné, apparaît le mystère du Christ qui dans sa vie, dans sa mort, dans sa résurrection, devient la loi vivante. Immédiatement, les premières paroles de notre lecture - "vous avez été appelés à la liberté" - font référence à ce mystère. Nous avons été appelés par l'Evangile, nous avons été appelés réellement dans le Baptême, dans la participation à la mort et à la résurrection du Christ, et de cette façon, nous sommes passés de la "chair", de l'égoïsme, à la communion avec le Christ. Et ainsi, nous sommes dans la plénitude de la loi.

     Vous connaissez probablement tous les belles paroles de saint Augustin:  "Dilige et fac quod vis" - aime et fais ce que tu veux". Ce que dit saint Augustin est la vérité, si nous avons bien compris le sens du terme "amour". "Aime et fais ce que tu veux", mais nous devons réellement être entrés dans la communion avec le Christ, nous être identifiés avec sa mort et sa résurrection, être unis à Lui dans la communion de son Corps. Dans la participation aux sacrements, dans l'écoute de la Parole de Dieu, la volonté divine, la Loi divine entre réellement dans notre volonté, notre volonté s'identifie avec la sienne, elles ne deviennent qu'une seule volonté et ainsi nous sommes réellement libres, nous pouvons réellement faire ce que nous voulons, car nous voulons avec le Christ, nous voulons dans la vérité et avec la vérité.

     Prions donc le Seigneur pour qu'il nous aide sur ce chemin commencé avec le Baptême, un chemin d'identification avec le Christ, qui se réalise toujours à nouveau dans l'Eucharistie. Dans la troisième prière eucharistique, nous disons:  "Dans le Christ, nous devenons un seul corps et un seul esprit". C'est un moment dans lequel, à travers l'Eucharistie et à travers notre véritable participation au mystère de la mort et de la résurrection du Christ, nous devenons un seul esprit avec Lui, nous sommes dans cette identité de la volonté et ainsi, nous arrivons réellement à la liberté.

     Derrière ce terme - la loi s'est accomplie - derrière cette unique parole qui devient réalité dans la communion avec le Christ, apparaissent derrière le Seigneur toutes les figures des saints qui sont entrés dans cette communion avec le Christ, dans cette unité avec sa volonté. Et surtout apparaît la Vierge, dans son humilité, dans sa bonté, dans son amour. La Vierge nous donne cette confiance, nous prend par la main, nous guide, nous aide sur le chemin de l'union à la volonté de Dieu, comme Elle l'a été dès le premier moment et a exprimé cette union dans son "Fiat".

     Et enfin, après ces belles choses, encore une fois dans la Lettre, il y a une évocation de la situation un peu triste de la communauté des Galates, lorsque Paul dit:  "Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde que vous allez vous entre-détruire... Laissez-vous mener par l'Esprit". Il me semble que dans cette communauté - qui n'était plus sur la voie de la communion avec le Christ, mais de la loi extérieure de la "chair" - ressortent naturellement également des polémiques et Paul dit:  "Vous devenez comme des bêtes sauvages, l'un mord l'autre". Il évoque ainsi les polémiques qui naissent là où la foi dégénère en un intellectualisme et l'humilité est remplacée par l'arrogance d'être meilleur que l'autre.

     Nous voyons bien qu'aujourd'hui encore, il y a des cas semblables où, au lieu de s'insérer dans la communion avec le Christ, dans le Corps du Christ qui est l'Eglise, chacun veut être supérieur à l'autre et avec une arrogance intellectuelle, veut faire croire qu'il est meilleur. C'est ainsi que naissent les polémiques qui sont destructrices, que naît une caricature de l'Eglise qui devrait être une seule âme et un seul cœur.

     Dans cet avertissement de saint Paul, nous devons trouver aujourd'hui également un motif d'examen de conscience:  ne pas penser être supérieurs à l'autre, mais nous trouver dans l'humilité du Christ, nous trouver dans l'humilité de la Vierge, entrer dans l'obéissance de la foi. C'est précisément ainsi que s'ouvre réellement également à nous le grand espace de la vérité et de la liberté dans l'amour.

 

 

 

2010

18 février 2010 – Aux prêtres de Rome

      « Père, sauve-moi, Père, glorifie ». Et Dieu répond: « Je t'ai glorifié et de nouveau je te glorifierai » (cf. Jn 12, 28). Telle est la réponse, le vœu exaucé par Dieu: je glorifierai la Croix; c'est la présence de la gloire divine, parce que c'est l'acte suprême de l'amour. Dans la Croix, Jésus est élevé sur toute la terre et attire la terre à lui; dans la croix apparaît à présent le « Kabod », la vraie gloire divine du Dieu qui aime jusqu'à la Croix et transforme ainsi la mort et crée la Résurrection.

     La prière de Jésus a été exaucée, au sens où, réellement, sa mort devient vie, devient le lieu d'où racheter l'homme, d'où il attire l'homme à lui. Si la réponse divine, chez Jean, dit: « je te glorifierai », cela signifie que cette gloire transcende et traverse toute l'histoire toujours et à nouveau: depuis ta Croix, présente dans l'Eucharistie, transforme la mort en gloire. Telle est la grande promesse qui se réalise dans la Sainte Eucharistie, qui ouvre toujours à nouveau le ciel.

 

15 juin 2010 – Au Congrès du diocèse de Rome

          Jésus est venu pour nous révéler l'amour du Père, parce que «l'homme ne peut vivre sans amour» (Jean-Paul II, Enc. Redemptor hominis, n. 10). L'amour est, en effet, l'expérience fondamentale de tout être humain, ce qui donne une signification, ce qui donne un sens à la vie de chaque jour.

 

 

Exhortation Apostolique Verbum Domini, du 30.9.2010,  

     Comme le montre la Croix du Christ, Dieu parle aussi à travers son silence. Le silence de Dieu, l’expérience de l’éloignement du Tout-Puissant et du Père est une étape décisive du parcours terrestre du Fils de Dieu, Parole incarnée. Pendu au bois de la croix, il a crié la douleur qu’un tel silence lui causait: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» (Mc 15, 34; Mt 27, 46). Persévérant dans l’obéissance jusqu’à son dernier souffle de vie, dans l’obscurité de la mort, Jésus a invoqué le Père. C’est à lui qu’il s’en remet au moment du passage, à travers la mort, à la vie éternelle: «Père, entre tes mains je remets mon esprit» (Lc 23, 46).

     Cette expérience de Jésus est comparable à la situation de l’homme qui, après avoir écouté et reconnu la Parole de Dieu, doit aussi se mesurer avec son silence. Bien des saints et des mystiques ont vécu une telle expérience qui aujourd’hui encore fait partie du cheminement de nombreux chrétiens. Le silence de Dieu prolonge ses paroles précédemment énoncées. Dans ces moments obscurs, il parle dans le mystère de son silence. C’est pourquoi, dans la dynamique de la Révélation chrétienne, le silence apparaît comme une expression importante de la Parole de Dieu.

 

 

 

 

 

8 décembre 2010 – Méditation Place d’Espagne à Rome

     Ce que nous recevons de Marie est beaucoup plus important que ce que nous lui offrons. En effet, elle nous adresse un message destiné à chacun de nous… Et qu’est-ce que nous dit Marie? Elle nous parle avec la Parole de Dieu, qui s’est faite chair dans son sein. Son «message» n’est autre que Jésus, Lui qui est toute sa vie. C’est grâce à Lui et pour Lui qu’elle est l’Immaculée. Et comme le Fils de Dieu s’est fait homme pour nous, ainsi elle aussi, sa Mère, a été préservée du péché pour nous, pour tous, comme anticipation du salut de Dieu pour chaque homme. Ainsi, Marie nous dit que nous sommes tous appelés à nous ouvrir à l’action de l’Esprit Saint pour pouvoir parvenir, dans notre destin final, à être immaculés, pleinement et définitivement libérés du mal. Elle nous le dit à travers sa sainteté même, avec un regard plein d’espérance et de compassion, qui évoque des paroles comme celles-ci: «Ne crains rien, mon fils, Dieu t’aime; il t’aime personnellement; il t’a pensé avant que tu ne viennes au monde et il t’a appelé à l’existence pour te combler d’amour et de vie; et c’est pour cela qu’il est venu à ta rencontre, qu’il s’est fait comme toi, qu’il est devenu Jésus, Dieu-Homme, en tout semblable à toi, mais sans le péché; il s’est donné lui-même pour toi, jusqu’à mourir sur la croix, et ainsi il t’a donné une vie nouvelle, libre, sainte et immaculée» (cf. Ep 1, 3-5).

     Marie nous fait don de ce message, et lorsque je viens ici, en cette fête, il me touche, car je sens qu’il est adressé à toute la ville, à tous les hommes et les femmes qui vivent à Rome: également à celui qui n’y pense pas, à celui qui ne se rappelle même pas que c’est la fête de l’Immaculée; à celui qui se sent seul et abandonné. Le regard de Marie est le regard de Dieu sur chacun. Elle nous regarde avec l’amour même du Père et nous bénit. Elle se comporte comme notre «avocate» — et c’est ainsi que nous l’invoquons dans le Salve, Regina: «Advocata nostra». Même si tous parlaient mal de nous, elle, la Mère, dirait du bien, car son cœur immaculé est en harmonie avec la miséricorde de Dieu. C’est ainsi qu’elle voit la ville: non pas comme une agglomération anonyme, mais comme une constellation où Dieu connaît chacun personnellement par son nom, un par un, et nous appelle à resplendir de sa lumière. Et ceux qui sont les premiers aux yeux du monde, sont les derniers pour Dieu; ceux qui sont petits, sont grands pour Dieu.

     La Mère nous regarde comme Dieu l’a regardée, humble jeune fille de Nazareth, insignifiante aux yeux du monde, mais choisie et précieuse pour Dieu. Elle reconnaît en chacun de nous la ressemblance avec son Fils Jésus, même si nous sommes si différents! Mais qui plus qu’elle connaît la puissance de la Grâce divine? Qui mieux qu’elle sait que rien n’est impossible à Dieu, qui est même capable de tirer le bien du mal ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2011

 

13 juin 2011 – Au Congrès du Diocèse de Rome

     Depuis leur plus jeune âge, les enfants ont besoin de Dieu, car dès le début, l’homme a besoin de Dieu et ils ont la capacité de percevoir sa grandeur; ils savent apprécier la valeur de la prière — du dialogue avec ce Dieu — et des rites, de même que percevoir la différence entre le bien et le mal. Sachez, alors, les accompagner dans la foi, dans cette connaissance de Dieu, dans cette amitié avec Dieu, dans cette connaissance de la différence entre le bien et le mal. Accompagnez-les dans la foi dès leur plus jeune âge.

     De plus, comment cultiver le germe de la vie éternelle au fur et à mesure que l’enfant grandit? Saint Cyprien nous le rappelle: «Personne ne peut avoir Dieu pour Père, s’il n’a pas l’Eglise pour Mère». C’est pourquoi, nous ne disons pas mon Père, mais Notre Père, car ce n’est que dans le «nous» de l’Eglise, des frères et sœurs, que nous sommes des fils. Depuis toujours, la communauté chrétienne a accompagné la formation des enfants et des jeunes, en les aidant non seulement à comprendre à travers l’intelligence les vérités de la foi, mais également à vivre des expériences de prière, de charité et de fraternité. La parole de la foi risque de demeurer muette si elle ne trouve pas une communauté qui la met en pratique, en la rendant vivante et attirante, comme une expérience de la réalité de la vie véritable.

 

 

 

 

 

 

 

2012

 

 

 

 

 

23 mai 2012 – Audience Générale

     Saint Paul dit que l’Esprit Saint est le grand maître de la prière et nous enseigne à nous adresser à Dieu à travers les termes affectueux des enfants, en l’appelant « Abbà, Père ». C’est ce qu’a fait Jésus ; même dans les moments les plus dramatiques de sa vie terrestre, Il n’a jamais perdu la confiance dans le Père et l’a toujours invoqué à travers l’intimité du Fils bien-aimé. Au Gethsémani, lorsqu’il sent l’angoisse de la mort, sa prière est : « Abba... Père, tout est possible pour toi. Eloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36).

      Dès les premiers pas de son chemin, l’Eglise a accueilli cette invocation et l’a faite sienne, en particulier dans la prière du Notre Père, dans laquelle nous disons chaque jour : « Notre Père, qui es aux cieux... que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » (Mt 6, 9-10). Dans les lettres de saint Paul, nous la retrouvons par deux fois. L’apôtre, nous venons de l’entendre, s’adresse aux Galates à travers ces paroles : « Et voici la preuve que vous êtes des fils : envoyé par Dieu, l'Esprit de son Fils est dans nos cœurs, et il crie vers le Père en l'appelant “Abba !” » (Ga 4, 6). Et au centre de ce chant à l’Esprit Saint qui est le chapitre huit de la Lettre aux Romains, saint Paul affirme : « L'Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c'est un Esprit qui fait de vous des fils ; poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l'appelant : “Abba !” » (Rm 8, 15). Le christianisme n’est pas une religion de la peur, mais de la confiance et de l’amour au Père qui nous aime. Ces deux affirmations denses nous parlent de l’envoi et de l’accueil du Saint Esprit, le don du Ressuscité, qui fait de nous des fils dans le Christ, le Fils unique, et nous place dans une relation filiale avec Dieu, une relation de profonde confiance, comme celle des enfants ; une relation filiale semblable à celle de Jésus, même si son origine et son importance sont différentes : Jésus est le Fils éternel de Dieu qui s’est fait chair, en revanche, nous devenons fils en Lui, dans le temps, à travers la foi et les sacrements du baptême et de la confirmation ; grâce à ces deux sacrements, nous sommes plongés dans le Mystère pascal du Christ. L’Esprit Saint est le don précieux et nécessaire qui fait de nous des fils de Dieu, qui réalise cette adoption filiale à laquelle sont appelés tous les êtres humains car, comme le précise la bénédiction divine de la Lettre aux Ephésiens, Dieu, dans le Christ, « nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l'amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d'avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus Christ » (Ep 1, 4).

     L’homme d’aujourd’hui ne perçoit sans doute pas la beauté, la grandeur et le réconfort profond contenus dans le mot « père », par lequel nous pouvons nous adresser à Dieu dans la prière, parce qu’aujourd’hui, la figure paternelle n’est souvent pas suffisamment présente et souvent, elle n’est pas assez positive dans la vie quotidienne. L’absence du père, le problème d’un père non présent dans la vie de l’enfant est un grand problème de notre temps, parce qu’il devient difficile de comprendre dans sa profondeur ce que veut dire que Dieu est Père pour nous. De Jésus lui-même, de sa relation filiale avec Dieu, nous pouvons apprendre ce que signifie véritablement « père », quelle est la véritable nature du Père qui est dans les cieux. Des critiques de la religion ont dit que parler du « Père », de Dieu, serait une projection de nos pères au ciel. Mais c’est le contraire qui est vrai : dans l’Évangile, le Christ nous montre qui est le père et comment doit être un véritable père, afin que nous puissions comprendre la véritable paternité, apprendre également la véritable paternité. Pensons aux paroles de Jésus dans le sermon sur la montagne, où il dit : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d'être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5, 44-45). C’est précisément l’amour de Jésus, le Fils unique — qui parvient au don de soi sur la croix — qui nous révèle la véritable nature du Père : Il est l’Amour, et nous aussi, dans notre prière de fils, nous entrons dans ce circuit d’amour, amour de Dieu qui purifie nos désirs, nos comportements marqués par la fermeture, la suffisance, l’égoïsme typique de l’homme ancien. Nous pourrions donc dire qu’en Dieu, la nature de Père possède deux dimensions. Tout d’abord, Dieu est notre Père, parce qu’il est notre Créateur. Chacun de nous, chaque homme et chaque femme est un miracle de Dieu, il est voulu par Lui et Dieu le connaît personnellement. Lorsque dans le Livre de la Genèse, on dit que l’être humain est créé à l’image de Dieu (cf. 1, 27), on veut exprimer précisément cette réalité : Dieu est notre père, pour Lui, nous ne sommes pas des êtres anonymes, impersonnels, mais nous avons un nom. Il y a une phrase dans les Psaumes qui me touche toujours, lorsque je la prie : « Tes mains m'ont fait » dit le psalmiste (Ps 119, 73). Chacun de nous peut dire, dans cette belle image, la relation personnelle avec Dieu : « Tes mains m'ont fait, tu m’a pensé et créé et voulu ». Mais cela ne suffit pas encore. L’Esprit du Christ nous ouvre à une deuxième dimension de la paternité de Dieu, au-delà de la création, car Jésus est le « Fils » au sens plénier, « de la même substance que le Père », comme nous professons dans le Credo. En devenant un être humain comme nous, à travers l’Incarnation, la Mort et la Résurrection, Jésus nous accueille à son tour dans son humanité et dans sa condition même de Fils; ainsi, nous pouvons entrer nous aussi dans son appartenance spécifique à Dieu. Assurément, notre condition de fils de Dieu ne possède pas la même plénitude que Jésus ; nous devons le devenir toujours davantage, le long du chemin de toute notre existence chrétienne, en grandissant à la suite de Jésus, dans la communion avec Lui pour entrer toujours plus intimement dans la relation d’amour avec Dieu le Père, qui soutient la nôtre et donne son sens véritable à la vie. C’est cette réalité fondamentale qui nous est révélée quand nous nous ouvrons à l’Esprit Saint et Il nous fait nous adresser à Dieu en lui disant : « Abbà ! , Père ! ». Nous sommes réellement allés au-delà de la création dans l’adoption avec Jésus; unis, nous sommes réellement en Dieu et fils d’une manière nouvelle, dans une dimension nouvelle.

     Dans la Lettre aux Galates l’apôtre affirme que l’Esprit crie en nous « Abbà ! Père ! » ; dans la Lettre aux Romains, il dit que c’est nous qui nous écrions « Abbà ! Père ! ». Et saint Paul veut nous faire comprendre que la prière chrétienne n’est jamais, n’a jamais lieu en sens unique allant de nous à Dieu, ce n’est pas seulement une «action à nous», mais elle est l’expression d’une relation réciproque dans laquelle Dieu agit le premier : c’est l’Esprit Saint qui crie en nous, et nous pouvons crier car l’impulsion vient de l’Esprit Saint. Nous ne pourrions pas prier si n’était pas inscrit dans la profondeur de notre cœur le désir de Dieu, notre condition de fils de Dieu. Depuis qu’il existe, l’homo sapiens est toujours à la recherche de Dieu, il cherche à parler avec Dieu, car Dieu s’est inscrit lui-même dans nos cœurs. La première initiative vient donc de Dieu et, avec le baptême, Dieu agit à nouveau en nous, l’Esprit Saint agit en nous; il est le premier initiateur de la prière pour que nous puissions réellement parler avec Dieu et dire « Abbà » à Dieu. Sa présence ouvre donc notre prière et notre vie, elle ouvre aux horizons de la Trinité et de l’Église.

     La prière de l’Esprit du Christ en nous et la nôtre en Lui, n’est pas seulement un acte individuel, mais un acte de l’Église tout entière. En priant, notre cœur s’ouvre, nous entrons en communion non seulement avec Dieu, mais précisément avec tous les fils de Dieu, car nous sommes une seule chose. Quand nous nous adressons au Père dans notre intimité, dans le silence et le recueillement, nous ne sommes jamais seuls. Celui qui parle avec Dieu n’est pas seul. Nous sommes dans la grande prière de l’Église, nous sommes une partie d’une grande symphonie que la communauté chrétienne qui est présente dans toutes les parties de la terre à chaque époque élève à Dieu ; certes, les musiciens et les instruments sont différents — et cela est un élément de richesse —, mais la mélodie de louange est unique et en harmonie. Alors, chaque fois que nous disons : « Abbà ! Père ! » c’est l’Église, toute la communion des hommes en prière qui soutient notre invocation et notre invocation est l’invocation de l’Église. Cela se reflète également dans la richesse des charismes, des ministères, des tâches, que nous accomplissons dans la communauté. Saint Paul écrit aux chrétiens de Corinthe : « Les dons de la grâce sont variés, mais c'est toujours le même Esprit. Les fonctions dans l'Église sont variées, mais c'est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c'est toujours le même Dieu qui agit en tous » (1 Co 12, 4-6). La prière guidée par l’Esprit Saint, qui nous fait dire « Abbà ! Père ! » avec le Christ et en Christ, nous insère dans l’unique grande mosaïque de la famille de Dieu, dans laquelle chacun a une place et un rôle important, en profonde unité avec le tout.

     Nous apprenons à crier « Abbà ! Père ! » également avec Marie, la Mère du Fils de Dieu. L’accomplissement de la plénitude du temps, dont parle saint Paul dans la Lettre aux Galates (cf. 4, 4), a lieu au moment du « oui » de Marie, de sa pleine adhésion à la volonté de Dieu : « Me voici, je suis la servante du Seigneur » (Lc 1, 38).

      Apprenons à goûter dans notre prière la beauté d’être des amis, ou plutôt des fils de Dieu, de pouvoir l’invoquer avec la familiarité et la confiance qu’un enfant éprouve envers ses parents qui l’aiment. Ouvrons notre prière à l’action de l’Esprit Saint pour qu’en nous, il s’écrie à Dieu « Abba ! Père ! » et pour que notre prière change, convertisse constamment notre manière de penser, notre action, pour la rendre toujours plus conforme à celle du Fils unique, Jésus Christ. Merci.

 

 

23 mai 2012 – Aux francophones, au terme de l’Audience Générale

     Puissiez-vous découvrir la beauté, la grandeur et la consolation de vous adresser à Dieu dans la prière en utilisant avec confiance le beau nom de « Père » !

 

 

3 juin 2012 – Homélie de la Messe lors de la Rencontre Mondiale des Familles à Milan

      Dans la deuxième lecture, l’apôtre Paul nous a rappelé qu’au baptême nous avons reçu l’Esprit Saint, qui nous unit au Christ en tant que frères et nous met en relation avec le Père en tant qu’enfants, de sorte que nous pouvons crier : « Abbà Père ! » (cf. Rm 8, 15.17). En cet instant, il nous a été donné un germe de vie nouvelle, divine, pour le faire grandir jusqu’à son accomplissement définitif dans la gloire céleste ; nous sommes devenus membres de l’Église, la famille de Dieu, « sacrarium Trinitatis » - ainsi la définit saint Ambroise -, « peuple qui – comme l’enseigne le Concile Vatican II – tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint » (Const. Lumen gentium, 4). La solennité liturgique de la Sainte Trinité, que nous célébrons aujourd’hui, nous invite à contempler ce mystère, mais elle nous pousse aussi à nous engager à vivre la communion avec Dieu et entre nous sur le modèle de la communion trinitaire. Nous sommes appelés à accueillir et à transmettre d’un commun accord les vérités de la foi ; à vivre l’amour réciproque et envers tous, en partageant joies et souffrances, en apprenant à demander et à accorder le pardon, en valorisant les différents charismes sous la conduite des pasteurs. En un mot, nous est confiée la tâche d’édifier des communautés ecclésiales qui soient toujours plus famille, capables de refléter la beauté de la Trinité et d’évangéliser non seulement par la parole mais, je dirais même, par « irradiation », par la force de l’amour vécu.

 

7 juin 2012 – Homélie Corpus Domini

     Je voudrais aussi souligner que le sacré a une fonction éducative et que sa disparition appauvrit inévitablement la culture, en particulier la formation des nouvelles générations. Si, par exemple, au nom d’une foi sécularisée qui n’aurait plus besoin des signes sacrés, on abolissait la procession du Corpus Domini dans la ville, le profil spirituel de Rome se trouverait « aplati » et notre conscience personnelle et communautaire s’en trouverait affaiblie. Ou bien, pensons à une mère et à un père qui, au nom de la foi désacralisée, priveraient leurs enfants de tout rituel religieux: ils finiraient en réalité par laisser le champ libre aux innombrables succédanés présents dans la société de consommation, à d’autres rites et à d’autres signes, qui pourraient devenir plus facilement des idoles. Dieu, notre Père, n’a pas agi ainsi avec l’humanité : il a envoyé son Fils dans le monde, non pour abolir, mais pour porter le sacré aussi à son accomplissement. Au sommet de cette mission, lors de la Dernière Cène, Jésus a institué le sacrement de son Corps et de son Sang, le Mémorial de son Sacrifice pascal. En agissant ainsi, il s’est mis lui- même à la place des sacrifices anciens, mais il l’a fait à l’intérieur d’un rite, qu’il a commandé aux apôtres de perpétuer, comme le signe suprême du véritable Sacré, qui est Lui-même. C’est avec cette foi, chers frères et sœurs, que nous célébrons aujourd’hui et chaque jour le Mystère eucharistique et que nous l’adorons comme le centre de notre vie et le cœur du monde

 

 

 

11 juin 2012 – au Congrès du Diocèse de Rome.

      Le choix du mot « au nom du Père » dans le texte grec est très important: le Seigneur dit « eis » et non « en », c’est-à-dire qu’il ne dit pas « au nom » de la Trinité — comme nous disons qu’un vice-préfet parle « au nom » du préfet, qu’un ambassadeur parle « au nom » du gouvernement : non. Il dit : « eis to onoma », c’est-à-dire qu’il s’agit d’une immersion dans le nom de la Trinité, d’être insérés dans le nom de la Trinité, d’une interpénétration de l’être de Dieu et de notre être, d’être plongés dans le Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit Saint, de même que dans le mariage, par exemple, deux personnes deviennent une chair, deviennent une nouvelle, unique réalité, avec un nom nouveau, unique.

 

 

 

10 août 2012 – Message au Congrès de Rimini

     Parler de l’homme et de son désir d’infini signifie avant tout reconnaître sa relation constitutive avec le Créateur. L’homme est une créature de Dieu. Aujourd’hui, ce mot — créature — semble presque passé de mode: on préfère penser à l’homme comme à un être accompli en soi et artisan absolu de son propre destin. La considération de l’homme comme créature apparaît «dérangeante», car elle implique une référence essentielle à quelque chose d’autre ou de mieux, à Quelqu’un d’autre — non gérable par l’homme — qui définit de façon essentielle son identité; une identité de relation, dont la première donnée est la dépendance originelle et ontologique de Celui qui nous a voulus et qui nous a créés. Pourtant, cette dépendance, dont l’homme moderne et contemporain tente de s’affranchir, non seulement ne cache pas ou ne diminue pas, mais révèle de façon lumineuse la grandeur et la dignité suprême de l’homme, appelé à la vie pour entrer en rapport avec la Vie elle-même, avec Dieu.

     Dire que «la nature de l’homme est le rapport avec l’infini» signifie alors dire que chaque personne est créée afin qu’elle puisse entrer en dialogue avec Dieu, avec l’Infini. Au début de l’histoire du monde, Adam et Eve sont le fruit d’un acte d’amour de Dieu, faits à son image et ressemblance, et leur vie et leur relation avec le Créateur coïncidaient: «Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa» (Gn 1, 27). Et le péché originel trouve sa racine ultime précisément dans le fait que nos ancêtres se sont soustraits à cette relation constitutive, ont voulu se mettre à la place de Dieu, en croyant pouvoir se passer de Lui. Même après le péché, toutefois, demeure dans l’homme le désir brûlant de ce dialogue, presque comme une signature marquée par le feu dans son âme et dans sa chair par le Créateur lui-même. Le Psaume 63 [62] nous aide à entrer au cœur de ce discours: «Dieu, c’est toi mon Dieu, je te cherche, mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair, terre sèche, altérée, sans eau» (v. 2). Non seulement mon âme, mais chaque fibre de ma chair est faite pour trouver sa paix, sa réalisation en Dieu. Et cette tension est indélébile dans le cœur de l’homme: même lorsqu’il refuse ou nie Dieu, la soif d’infini qui habite l’homme ne disparaît pas. Commence en revanche une recherche effrénée et stérile, de «faux infinis», qui puissent satisfaire au moins pour un temps. La soif de l’âme et le désir de la chair dont parle le Psalmiste ne peuvent être éliminés, ainsi l’homme, sans le savoir, se lance à la recherche de l’Infini, mais dans de mauvaises directions: dans la drogue, dans une sexualité vécue de façon désordonnée, dans les technologies toutes puissantes, dans le succès à tout prix, jusque dans des formes trompeuses de religiosité. Même les choses bonnes, que Dieu a créées comme voies qui conduisent à Lui, courent souvent le risque d’être érigées en absolu et devenir ainsi des idoles qui se substituent au Créateur.

Reconnaître d’être faits pour l’infini signifie parcourir un chemin de purification de ce que nous avons appelé «faux infinis», un chemin de conversion du cœur et de l’esprit. Il faut déraciner toutes les fausses promesses d’infini qui séduisent l’homme et le rendent esclave. Pour se retrouver véritablement soi-même ainsi que sa propre identité, pour vivre à la hauteur de son être, l’homme doit se reconnaître à nouveau comme créature, dépendante de Dieu. A la reconnaissance de cette dépendance — qui au fond d’elle est la joyeuse découverte d’être fils de Dieu — est liée la possibilité d’une vie véritablement libre et pleine. Il est intéressant de noter que saint Paul, dans la Lettre aux Romains, voit le contraire de l’esclavage non pas tant dans la liberté, mais dans le fait d’être fils, d’avoir reçu l’Esprit Saint qui fait de nous des fils adoptifs et qui nous permet de crier à Dieu: «Abba! Père!» (cf. 8, 15). L’apôtre des nations parle d’un esclavage «mauvais»: celui du péché, de la loi, des passions de la chair. Mais à celui-ci il n’oppose pas l’autonomie, mais l’«esclavage du Christ» (cf. 6, 16-22), il se définit même comme «Paul, serviteur du Christ Jésus» (1, 1). Le point fondamental n’est donc pas d’éliminer la dépendance, qui est constitutive de l’homme, mais de l’orienter vers Celui qui seul peut nous rendre véritablement libres.

     Mais ici naît une question. N’est-il pas structurellement impossible pour l’homme de vivre à la hauteur de sa nature? Ce désir d’infini qu’il ressent sans jamais pouvoir l’assouvir pleinement n’est-il pas une condamnation? Cette interrogation nous conduit directement au cœur du christianisme. En effet, l’infini lui-même, pour devenir une réponse que l’homme puisse expérimenter, a pris une forme finie. Depuis l’Incarnation, à partir du moment où le Verbe s’est fait chair, s’est effacée la distance impossible à combler entre fini et infini: le Dieu éternel et infini a quitté son Ciel et est entré dans le temps, il s’est plongé dans la finitude humaine. Rien alors n’est banal ou insignifiant sur le chemin de la vie et du monde. L’homme est fait pour un Dieu infini qui est devenu chair, qui a revêtu notre humanité pour l’attirer vers les hauteurs de son être divin.

     Chaque chose, chaque relation, chaque joie et chaque difficulté trouvent leur raison ultime dans le fait d’être une occasion de relation avec l’Infini, voix de Dieu qui nous appelle continuellement et nous invite à élever le regard, à découvrir dans notre adhésion à Lui la pleine réalisation de notre humanité. «Tu nous a faits pour toi — écrivait Augustin — et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en Toi» (Confessions, I, 1).

 

 

publié le : 18 novembre 2017

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