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De Cologne à Chartres, le Baptême qui fait marcher les jeunes - Mgr Vingt Trois 11.3.2006


De Cologne à Chartres, le baptême qui fait marcher les jeunes
Entretien avec Mgr Vingt-Trois


Le baptistère de Chartres fête en effet le millénaire de sa consécration et des catéchumènes de Paris qui seront baptisés à Pâques participeront d'ailleurs au « pélé » de Chartres, un pèlerinage né du voeu de Charles Péguy.

Antoine Rousseau, responsable Communication du pèlerinage de Chartres, a recueilli ces propos pour les lecteurs de Zenit, spécialement les futurs pèlerins : ils seront environ trois mille, de plusieurs nationalités (cf. chartres@missionetudiante-idf.net).

Mgr Vingt-Trois : Je voudrais vous présentez deux ou trois réflexions. Comme vous le savez ou comme vous pouvez facilement le comprendre, le pèlerinage étudiant de Chartres est une opération très délicate. Il s'inscrit dans une tradition longue, puisqu'il s'agit du soixante et onzième, et bénéficie donc de l'image de marque d'une tradition, et simultanément il souffre du handicap d'une tradition : il faut chaque année trouver des éléments d'adaptation qui permettent de rejoindre au mieux les étudiants actuels et non ceux d'il y a cinquante ans.
Vous le voyez à la page 5 de votre livret : année après année des ajustements se font, pour ouvrir davantage le pèlerinage. Il y a la route internationale, la route des pèlerins handicapés, la route marche 100% cette année, ce sont des éléments de novation qui s'inscrivent progressivement.

La deuxième remarque est que pour apprécier la participation des étudiants au pèlerinage de Chartres, il faut avoir présent à l'esprit le phénomène d'éclatement qui a produit ses effets et que nous ne mesurons pas toujours très bien. Un premier éclatement est l'éclatement de l'Université depuis 25 ans. Nous ne sommes plus au temps où 80% des étudiants d'Ile-de-France étaient regroupés à la Sorbonne, avec une aumônerie à la porte et une sorte d'unité de lieu qui faisait que toutes les démarches de contact, de prospection, de tractage, se faisaient dans un espace restreint. Ce n'est plus le cas. L'Université est désormais éclatée sur l'ensemble de l'Ile-de-France, et la présence de l'Église est forcément elle aussi éclatée. Cela rend difficile de garder une visibilité ecclésiale. Car l'université n'a pas besoin d'une visibilité unique : on peut avoir des universités différentes, des lieux de formation différents identifiés par leur spécialités. Ces lieux n'ont pas besoin de faire cause commune. Les étudiants que vous avez entendus ici sont plutôt branchés économie, relations humaines et droit, ils n'ont pas besoin de faire cause commune avec les lettres classiques. En revanche, pour les chrétiens en tant que chrétiens, il est important qu'ils fassent une cause commune entre tous ces lieux éclatés.

Un deuxième éclatement a surgi depuis une quinzaine ou une vingtaine d'années. C'est la multiplication de propositions en direction des jeunes étudiants. Il y a trente ans, le pèlerinage de Chartres était un événement relativement unique en son genre ; aujourd'hui, ce n'est plus le cas, quantité de mouvements ou d'associations proposent aux jeunes de faire des expériences analogues. On ne peut donc pas comparer les 3.000 participants de 2006 aux 15.000 de 1960. Parce qu'aux 3.000 participants de 2006, il faudrait ajouter un certain nombre qui participent à des pèlerinages du même genre, soit vers Chartres soit ailleurs, et qui font aussi partie du monde étudiant. La participation des étudiants à une activité ecclésiale n'est pas exclusivement représentée par le pèlerinage de Chartres de la Mission Etudiante. Du coup, le pèlerinage de Chartres de la Mission Etudiante, n'ayant pas l'exclusivité, ne peut pas drainer seul toutes les démarches croyantes du monde étudiant.

Un troisième fait me paraît important à relever. Vous connaissez bien ce phénomène facilement observable. C'est l'alternance de plus en plus perceptible des temps forts et des temps moins forts. Notre mode de vie actuel ne favorise pas, ou ne nourrit pas, un très vif sens de la régularité. Les activités hebdomadaires regroupent très peu de monde ; pour commencer à rassembler du monde, il faut un événement plus significatif, plus fort, plus provocateur, ce que l'on appelle des temps forts. Ces temps forts sont des signaux, ils servent précisément à toucher des gens qui ne sont pas assez motivés ou pas assez convaincus pour se mobiliser semaine après semaine, mais qui acceptent de faire quelque chose une fois par trimestre ou une fois par an. C'est la différence des temps forts et de temps faibles. Notre objectif et aussi notre souci sont de faire en sorte que les temps forts ne le soient pas seulement par la notoriété de l'événement et son côté exotique qui contribue à mobiliser, mais qu'ils soient forts aussi par le contenu et la densité de ce qui y est vécu. Voilà le sens du travail qui a été évoqué tout à l'heure par les étudiants quant à la préparation et l'accompagnement des chapitres : si on se met en marche avec des idées très vagues sur ce que l'on va vivre, à mesure que l'on avance, on doit pouvoir découvrir vers quel but on marche. Le cheminement doit donc être suffisamment alimenté pour aider à l'intensité du temps fort. Normalement, si on avait un potentiomètre spirituel, les indications à la cathédrale de Chartres devraient être sensiblement différentes des indications relevées au départ en la cathédrale de Paris, suivant une règle, non reconnue en physique, que « plus on s'use plus on se recharge ! »

Q : vous serez bien là pour le pèlerinage ? Qu'est ce que vous comptez dire aux étudiants ?

Mgr Vingt-Trois : Pour ma part, je célébrerai à Chartres la messe finale. Je leur dirai ce qu'il conviendra à ce moment-là. Je vous invite à venir écouter. Je ne vais pas vous parler d'un sermon qui n'est pas fait ! Je leur parlerai sûrement du baptême puisque c'est le thème du pèlerinage, et du cheminement vers le baptême puisque nous serons dans le temps de la dernière étape de préparation au baptême et qu'un certain nombre d'étudiants vivront à Chartres leur dernier « scrutin », - c'est le nom des prières et des gestes symboliques qui jalonnent le Carême pour préparer les catéchumènes qui seront baptisés dans la nuit de Pâques. La célébration sera donc par elle-même une sorte de catéchèse vécue de manière visible des étapes qui conduisent au baptême, et par la même occasion des étapes qui peuvent aider les baptisés de plus longue date à revivifier leur mise en oeuvre du baptême.

Q : à travers des pèlerinages ...

P. Benoist de Sinety, chef de la MECI, Mission étudiante d'Ile de France : en fait, on constate que, dans les générations qui rentrent aujourd'hui à l'université, un bon nombre, presque la moitié, n'a aucune culture chrétienne. Ces jeunes n'ont pas connaissance de ce qu'est la foi chrétienne. Pour beaucoup, le mot « aumônerie » ne signifie plus rien. Ce mot n'a ni un sens péjoratif, ni une connotation religieuse, il n'a pour eux aucun sens. Un certain nombre d'étudiants viennent d'eux-mêmes, ou amenés par le bouche-à-oreille ; parmi ceux-là, quelques-uns ne sont pas baptisés, mais c'est assez exceptionnel. Par contre, notre souci est de permettre aux étudiants baptisés qui fréquentent l'aumônerie, qui viennent s'y ressourcer, de pouvoir être des témoins de leur foi auprès de leurs camarades d'études. Eux sont en contact avec les autres, pas moi, prêtre. Quel contact puis-je avoir avec des jeunes qui sont dans les locaux universitaires toute la journée alors que je n'y suis pas ? Le thème choisi qui traite du baptême veut évidemment, comme on l'a dit tout à l'heure, aider certains à interroger, à demander de quoi il s'agit. C'est aussi l'occasion pour ceux qui sont baptisés de faire le point sur leur foi, sur le sens de leur baptême, pour pouvoir recharger leur batteries, trouver un nouveau souffle, pour être dans la vie quotidienne de leurs études et de leurs loisirs des témoins plus authentiques.

Mgr Vingt-Trois : La préparation de chaque pèlerinage annuel est aussi pour beaucoup d'étudiants une épreuve. Elle prend peut-être une force particulière cette année. Vais-je aller dire à un gars ou une fille que je connais : « Veux-tu venir à Chartres ? » Autrement dit, vais-je me laisser connaître comme chrétien ? On peut être bon chrétien, motivé, creuser sa foi, vivre des choses fortes pendant les vacances, etc. essayer d'être fidèle à l'Évangile dans sa manière de vivre, sans que personne sache que l'on est chrétien. On pourrait dire, en détournant une expression qui commence à être bien connue, qu'il vient des moments où on doit opérer un « coming out ». Pourquoi pas ? Il s'en fait dans d'autres domaines, il peut y en avoir dans ce domaine-là aussi ! Si on veut inviter quelqu'un, il faut quand même lui dire pourquoi. C'est en ce sens-là que je parle d'épreuve. Si aucun étudiant n'invite personne, on se retrouve entre cathos. Voilà la question ! Si on espère se retrouver avec un peu plus de monde que les seuls cathos que l'on connaît déjà, cela suppose que les cathos que l'on connaît vont démarcher des cathos que l'on ne connaît pas, ou des gens qui ne sont pas cathos.

Q : Mais peut-on venir à un pèlerinage chrétien quand on ne s'identifie pas comme catholique ? Est-ce que vous avez des exemples autour de vous ?

Mgr Vingt-Trois : Je réponds par un exemple qui n'est pas spécifiquement étudiant. En ce moment, je lis les lettres de motivations des demandes de baptêmes adultes, puisque samedi prochain, je vais procéder à l'appel décisif de 330 adultes qui vont être baptisés dans le diocèse de Paris. Je lis donc les lettres qu'ils m'écrivent pour demander à être baptisés. Dans ces lettres, un certain nombre expliquent comment, à une occasion ou à une autre, ils ont découvert la vie chrétienne et la possibilité pour eux d'y avoir part en recevant le baptême. Pour quelques-uns, l'occasion a été les journées mondiales de Rome en 2000 Ils étaient donc allés aux journées mondiales sans être chrétiens. Pour d'autres, c'est une rencontre en faculté, une discussion avec quelqu'un, etc. Tout cela existe. Bien sûr, cela ne fait pas 50% des pèlerins.

Q : auriez-vous des estimations sur ces catéchumènes ? Leurs origines, leur âge, leur nombre... ?

Mgr Vingt-Trois : Sur les 330 futurs baptisés de cette année, on peut estimer qu'il y a une soixantaine d'étrangers, qui découvrent le christianisme en France. Il y a un nombre important de jeunes adultes qui découvrent la foi soit à partir de leur mariage, soit à partir du baptême de leurs enfants. Ils racontent leur itinéraire d'abord à partir de l'union avec un conjoint catholique et la préparation au mariage, et puis le baptême du premier né, etc. Cela prend des années. Ce sont de jeunes adultes. Des jeunes qui ne sont pas établis dans la vie, il y en a une trentaine, mais ce chiffre n'est pas significatif car il y en par ailleurs qui sont étudiants et qui se préparent dans un autre circuit. En tout cas, vous le constatez, il y a des étudiants aussi parmi les catéchumènes.

Olivier Bouchery, étudiant en master de ressources humaines à Sciences Po : Le pèlerinage de Chartres, je suis étonné de constater que, même dans un milieu pas très clérical comme Sciences-Po. il a une grande visibilité auprès des jeunes catholiques. C'est accessible, beaucoup plus que d'autres propositions, à des jeunes qui ne sont pas baptisés, ou à des baptisés sans pratique ou à des jeunes qui ne savent pas trop s'ils ont été baptisés ou non. Beaucoup, parmi les jeunes que j'ai rencontrés, ont déjà entendu parler de Chartres. Ils savent que le pélérinage existe, ils savent qu'au moment du printemps des jeunes partent à Chartres et que c'est un grand moment de l'année des catholiques. Cela je crois que c'est suffisant pour que des jeunes qui n'auraient pas du tout été attirés par quelque chose de catholique, se disent : « Tiens, cela existe, c'est un truc qui est là, pourquoi pas moi ? ». Son histoire le rend beaucoup plus accessible.

Q : Est ce que vous comptez prolonger l'expérience des missions ? L'époque où des étudiants sur les routes partaient à la rencontre des gens, pour leur parler de Dieu, de la Foi... ?

Mgr Vingt-Trois : C'était une autre filière, si je peux ainsi parler. C'était ce que l'on appelé des « camps mission ». Ils étaient surtout mis en oeuvre et animés autour de prêtres qui recrutaient beaucoup dans les grandes écoles, parce qu'ils utilisaient des système de réseaux, et les grandes écoles ont des réseaux plus denses que les facultés. Ils allaient donc organiser des semaines saintes dans les campagnes.
Mais les campagnes ne sont plus ce qu'elles étaient, comme dirait ma grand-mère ! Si des jeunes vivent à Paris, habités par un mythe de la campagne et qu'ils parent à 6 avec une bicyclette, une toile de tente, pour aller dans la Creuse, ils vont s'apercevoir que la campagne n'est pas ce qu'ils croyaient. Ils peuvent toujours faire les rameaux sur la place du village, cela n'amènera pas forcément grand monde, alors qu'il y a 30 ou 40 ans, aller célébrer la semaine sainte dans un village français autour du curé, cela rameutait la troupe.
Nous aurons la joie de découvrir un nouvel évêque de Chartres encore tout humide de sa récente naissance, qui nous accueillera. Ce ne sera pas une découverte puisqu'il vient de Nanterre, mais ce sera quand même très agréable.

Q : L'année dernière, vous avez déjà fait le « pélé » de Chartres ?

Mgr Vingt-Trois : Oui, l'année dernière c'était le jour des Rameaux, et je suis allé les célébrer à la cathédrale de Chartres. Une célébration très belle.

P. Benoist de Sinety : en principe c'est le jour des Rameaux. Mais cette année les Rameaux tombant pendant les vacances scolaires, il était plus facile d'organiser le pèlerinage à une autre date. Les vacances scolaires ne suivent pas le calendrier des aumôneries, c'est plutôt l'inverse !

Q : Vous étiez aux JMJ à Cologne, est-ce que vous sentez que cela a eu une influence sur les jeunes ?

Mgr Vingt-Trois : C'est très difficile à dire, mais j'ai pu constater sur Paris, qui est un champ d'expérience relativement réduit par rapport à la France entière, qu'un certain nombre de groupes constitués qui sont allés à Cologne perdurent et s'associent de nouveaux membres. Certains ont monté des messes dominicales, le dimanche soir, et cela dure (ex. Ste Marie des Batignolles). Les indécis ne vont qu'au secours de la victoire !
En partie, comme souvent dans une jeune génération où la relation personnelle est très déterminante, le fait d'avoir vécu pendant une semaine avec un prêtre, d'avoir discuté, d'avoir rencontré des garçons, des filles, d'avoir échangé avec eux, etc. constitue un facteur de cohésion du groupe, ce qui est assez naturel.
Merci.

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